Par JJB
1. L’historique de la politique industrielle de l’Union Européenne
a) Des débuts à 2000
- Au cœur des débuts de l’intégration européenne : Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) 1951, Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) 1957
- Mais ensuite, la place de la politique industrielle reste marginale dans le traité TCE de 1957, instituant la Communauté économique européen (CEE). Néanmoins, l’objectif de créer un marché intégré a considérablement influencé le paysage économique et industriel européen.
- Reconversion de certains secteurs industriels, à partir des années 1970/80, accompagnée par la CEE, notamment par la création du Fonds social européen (FSE).
- Acte unique de 1986 : la compétitivité industrielle devient une priorité de la CEE.
- Traité de Maastricht (Traité sur l’Union européenne, TUE) de 1992 : contient des dispositions concrètes sur la politique industrielle.
- Traité de Nice de (2001) : la politique industrielle ne relève plus de l’unanimité au Conseil, mais de la codécision.
- À partir du début des années 90, la CE commence à agir à travers des communications et des interventions en matière industrielle, mais sans poursuivre une politique clairement définie.
b) Depuis la stratégie de Lisbonne
- Dans la stratégie de Lisbonne (2000), l’importance stratégique de l’industrie, notamment sa compétitivité et son innovation, a été soulignée. En révisant la stratégie de Lisbonne en 2005, la Commission et les États-membres se sont fixé l’objectif de créer une « base industrielle solide » en renforçant tous les secteurs industriels importants.
- Juillet 2007 : Adoption d’une communication par la Commission, prenant conscience des enjeux environnementaux (changement de climat) et concurrentiels (mondialisation, délocalisations). Volonté renforcée de définir une politique industrielle de l’UE cohérente et opérant à plusieurs niveaux.
- Octobre 2010 : Pour la première fois, la Commission présente des lignes directrices pour la politique industrielle de l’UE, en défendant celle-ci par exemple face aux exigences environnementales (qui, selon certains, entravent trop lourdement la compétitivité industrielle). Rédigé sous l’égide d’Antonio Tajani, commissaire à l’industrie et à l’entreprise et vice-président de la Commission, ce texte prône aussi une meilleure politique européenne de matières premières et de l’espace. Avec près de 80 propositions concrètes, la politique industrielle de l’UE devient donc de plus en plus tangible, bien que beaucoup d’idées restent encore à concrétiser.
2. Poids du secteur industriel
- 24,8% du PIB de l’UE. Pourcentage de l’industrie dans les PIB nationaux : 16% (Grèce), 18% (RU), 19% (France), 27% (Allemagne), 31% (Pologne, Italie), 35% (Roumanie)
- L’industrie fournit les emplois de 30% de la population active de l’UE, contre 40% dans les années 50.
- 80% des activités de recherche et développement du secteur privé sont faites par l’industrie
- Le niveau de la production industrielle de l’UE est de 10% inférieur à celui atteint avant la crise économique mondiale.
- Malgré un certain recul de son importance, l’industrie reste un moteur économique principal.
3. Objectifs de l’action de la politique industrielle l’UE
Objectifs globaux : encourager la compétitivité et l’innovation de l’industrie européenne (face à la concurrence croissante par la mondialisation), et la cohérence du développement industriel dans les différentes parties de l’UE.
- Mieux prendre en compte, dans l’établissement des réglementations européennes, l’impact sur la compétitivité de l’industrie (« mieux légiférer »).
- Soutenir les petites et moyennes entreprises (PMEs), moteurs importants de l’industrie.
- Soutenir la recherche et l’innovation industrielles, essentiellement par le « programme pour l’innovation et la compétitivité » (PIC) et le « programme cadre de la recherche et du développement » (PCRD).
- Favoriser un développement durable de l’industrie (énergies et technologies « vertes »)
- Anticiper et accompagner les changements structurels dans l’industrie.
- Améliorer certains aspects des politiques européennes pour favoriser l’industrie (politique commerciale, propriété intellectuelle, formation et qualification de la main d’œuvre, etc.)
4. Clivages idéologiques et nationaux
- Selon certains, il ne faut pas que la politique intervienne sur des décisions économiques concrètes. La compétence de la politique serait donc limitée aux conditions générales de l’économie (p.e. libre concurrence, des taxes environnementales), n’incluant pas des questions techniques (p.e. laquelle des technologies « vertes » encourager le plus), à résoudre par l’économie. Tel est le cas, entre autres, du Royaume-Uni, qui refuse, en général, le sauvetage d’entreprises en difficultés, pour que des entreprises plus dynamiques se créent/se renforcent.
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- D’autres prônent une intervention plus délibérée, mais modérée, dans l’économie, p.e. en aidant certaines secteurs ou entreprises stratégiques menacés par la faillite. C’est entre autres le cas de l’Allemagne, et son équilibre précaire entre dirigisme et libéralisme (i.e. entre l’idée de l’« Ordoliberalismus » et une réalité qui est souvent plus interventionniste).
- Une autre position encore consiste à mettre le focus principal sur les « champions nationaux » qu’il faudrait renforcer par des soutiens de l’État (juridiques, politiques, impôts, etc.). Ces champions pourront ainsi faire face aux grands acteurs internationaux, et animer les secteurs économiques associés à leurs activités. Tel est le cas par exemple de la France, protégeant ses champions nationaux et souvent particulièrement hostile à l’idée de sacrifier des emplois au principe de la libre concurrence et de la compétitivité.
5. Enjeux futurs de la politique industrielle de l’UE
- Rien que ce début d’une politique industrielle commune et systématique, qui se dessine, est une nouveauté pour l’UE (à la différence de la politique agricole commune, par exemple). Cela peut représenter un début pour une plus grande intégration économique.
- L’avenir montrera quelle direction la politique industrielle de l’UE prendra, en devenant de plus en plus concrète. Mais face à la pression syndicale et patronale, et eu regard à la communication d’octobre 2010, la solution viable sera probablement un compromis entre les positions interventionnistes et libérales.
- À long terme, la politique industrielle commune de l’UE pourra donc influer considérablement sur les idéologies et stratégies poursuivies au niveau national aujourd’hui.
6. Quel a été l’impact réel de la politique industrielle de l’UE ?
- Deux des plus grands succès de la collaboration industrielle européenne ont été initiés au niveau intergouvernemental, en dehors de l’UE : Airbus et Ariane. Mais l’UE s’y est imposée comme partenaire indispensable.
- Airbus est l’exemple d’une réussite d’une politique industrielle européenne dirigiste. Mais l’intervention politique peut se justifier, face aux critiques libérales, par le contexte spécial (secteur lourd d’investissements initiaux, quasi-monopole américain pour plusieurs types d’avions, nécessité de rallier et financer différents partenaires européens, proximité au secteur de l’aviation militaire). Un autre exemple est la participation de l’UE dans le projet ITER, portant sur la recherche sur l’énergie thermonucléaire de fusion.
- La pratique des « High Level Groups » (comités d’experts patronaux, syndicaux et de la société civile) a souvent amélioré la politique industrielle de l’UE à travers des « initiatives sectorielles ». Ces dernières ont même su convaincre les États-membres de forte tradition libérale (Royaume-Uni,Pays-Bas, pays scandinaves), qui y participent maintenant activement.
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