La bureaucratie fait partie des défauts que l’on reproche fréquemment à l’Union européenne. Toutefois, quand il s’agit de concilier la quête de compétitivité de l’économie avec le souci environnemental et de la sûreté des travailleurs et consommateurs, il est difficile d'éviter que les réglementations deviennent compliquées. C’est un dilemme entre deux idéaux auquel l’Union européenne est fréquemment confrontée. La réglementation REACH et CLP en est un exemple révélateur.
Depuis 2006, le règlement concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) est en
vigueur. Le règlement CLP (Classification, Labelling, Packaging) l’est depuis 2009.
Néanmoins, cette réglementation ne fait pas partie des préoccupation centrales de l’opinion publique européenne. Et ceci alors que la date d’échéance pour leur application est le
30.11.2010!
Plus exactement : cette date butoir ne concerne que certains cas de REACH – pour d’autres, la date limite est fixée pour 2013 ou 2018. Et en effet, pour CLP, les délais importants à retenir
ne sont pas uniquement le 1.12.2010, mais aussi le 3.1.2011 et le 1.6.2015 (CLP).
Tout n’est donc pas si simple – rien que les dates de l’applicabilité de ces réglementations sont échelonnée de façon complexe dans le temps!
En ce qui concerne REACH, il s’agit tout de même d’une petite révolution : la charge de la preuve de l’innocuité chimique des produits utilisés relève désormais de la responsabilité des entreprises. De plus, ces dernières doivent remplacer les substances très toxiques par des substituts, dans la mesure du possible.
On comprend que les détails d’une telle réforme des réglementations des 27 Etats-membres de l’UE aient suscité de grandes controverses et l’influence de nombreux groupes de pression.
Certes, le résultat final a parfois été dénoncé par des écologistes comme trop édulcoré. Mais le simple fait de l’existence de ce projet ambitieux d’encadrement de l’industrie peut constituer un argument pour l’Union Européenne : selon certains, dans un monde multipolar, elle est mieux placée qu’un seul Etat national pour défendre certains standards de qualité et sûreté au niveau national et international.
Le règlement CLP, quant à lui, vise l’harmonisation des standards européens de signalisation des dangers des produits avec les standards conclus au sein de l’ONU. Ces derniers ont été
élaborés avec le Globally Harmonised System of Classification and Labelling of Chemicals (GHS), lors du sommet de l’ONU pour le développement durable à Johannesburg en 2002.
En effet, beaucoup d’entreprises sont encore trop peu soucieuses des enjeux que signifient ces réglementations. Sans doute, le fait que tout ce qui provient de l’UE semble si lointain et
abstrait contribue à cette insouciance. Mais aussi s’agit-il d’un long processus d’autorisation par lequel il faut passer, afin d’obtenir une autorisation pour une substance chimique donnée,
utilisée d’une certaine façon. REACH n’est donc pas un sujet accrocheur.
D’ailleurs, les chercheurs de l’ECHA sont eux-mêmes conscients de ce manque de visibilité.
A titre d’exemple, dans un entretien publié sur le site de l’ECHA, Dr. Tony Musu, membre de l’agence, s’inquiète sur le besoin d’avertissement des entreprises.
En conséquence, la communication sur ce sujet a été renforcée par les parties prenantes européennes. Par exemple, en octobre, le huitième Forum for Exchange of Information on
Enforcement a eu lieu à Helsinki. Entre autres, de nouveaux outils d’inspection et de promotion ont été approuvés, afin d’assurer l’application effective des réglementations
REACH et CLP.
Mais la chimie européenne ne bouge pas uniquement à Helsinki. Avec European Trade Union Confederation (ETUC) et European Chemical Workers’ Federation (EMCEF), deux grandes fédérations syndicales ont appelés leurs membres à être attentifs à la bonne application de ces réglementation, et de souligner, le cas échéant, auprès de leurs directeurs les problèmes qu’une mauvaise transposition pourrait engendrer.
Effectivement, une entreprise qui néglige les obligations qui lui incombent de par REACH et
CLP risquera de payer des amendes financières.
Mais l’intérêt de bien appliquer ces réglementations n’est pas seulement financier. Comme le
rappelle Dr. Musu de l’ECHA, certaines études ont montré qu’en Europe, une maladie
professionnelle sur trois est causée par des substances chimiques. Le chercheur souligne
également que selon d’autres études, chaque année près de 74000 employés meurent en
Europe, du fait de l’utilisation de substances chimiques dangereuses au sein de leur lieu de
travail.
Qui plus est, le progrès de l’industrie chimique se maintient à un rythme très élevé. Souvent, il
est difficile pour le législateur de prédire tous les risques potentiels, liés aux nouvelles
technologies et aux enjeux environnementaux qui ne sont pris en compte que depuis peu de
temps (par exemple notamment la biodiversité, et l’impacte des produits chimiques sur les
fonctions vitales de certains espèces).
Si les législateurs veulent donc encadrer le dynamisme de l’industrie chimique, afin d’assurer
la santé et le bien-être des citoyens et de l’environnement, ils doivent se doter de mécanismes
ambitieux.
Sources
http://www.umweltbundesamt.at/umweltschutz/chemikalien/clp_kennzeichnung/ghs_clp/
http://echa.europa.eu/doc/etuc_emcef/etuc_emcef_interview_tmusu_en.pdf
http://www.etuc.org/a/7620
http://echa.europa.eu/news/pr/201010/pr_10_22_forum_20101015_en.asp
http://www.mpch-mainz.mpg.de/mpg/deutsch/pri0706.htm
http://echa.europa.eu/doc/press/pr_10_17/pr_10_17_clp_press_kit_20100913_de.pdf
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