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Tuesday, December 21, 2010

De la margarine rectangulaire? Quelle barbarie!

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En ce moment, il y a un débat vif autour des règles budgétaires auxquelles les États-membres de l’UE se sont engagés mais qu’ils peinent à respecter. Face à cela, un regard sur l’histoire de la libre circulation des biens en Europe peut s’avérer intéressant.



En effet, les manuels d’histoire européenne ne manquent pas de souligner les avantages que la libre circulation des biens représentait en théorie: meilleurs prix et qualité grâce à une plus grande compétition, meilleur choix, meilleur interconnexion des économies nationales et donc un renforcement important de la paix et de la prospérité européenne. Sauf que les choses se présentaient sous une autre lumière dans la réalité : une ouverture à la concurrence est avant tout perçue comme un danger pour l’économie nationale. D’autant plus que les effets négatifs de l’ouverture semblent être beaucoup plus visibles que les effets positifs à long terme.
Il n’est pas question ici d’évaluer si les objectifs de la CEE d’autrefois et de l’UE d’aujourd’hui sont justifiés et judicieux. Cet article n’a pas l’intention d’évaluer le bien-fondé du raisonnement économique qui a poussé vers la libre circulation, ni celui du raisonnement budgétaire qui a conduit aux règles budgétaires de Maastricht. Car, en réalité, les États-membres ont tous signé et accepté ces règles. Toutefois, on constate souvent le refus de respecter ces mêmes règles dans la pratique. Si la question du comportement budgétaire n’a été ouverte que récemment, celle de la libre circulation semble tranchée pour l’essentiel. Mais pour les États-membres en arrivent là, il fallait bien une bonne persuasion de la CJCE.

On notera d’abord que la Cour de Justice des Communautés européennes n’accepte pas les fausses excuses. Si l’Irlande incite ses citoyens : « Buy Irish ! », ou si la police française ne fait rien pour empêcher les agriculteurs français d’attaquer les camions exportant des produits agricoles espagnoles – alors ces pays vont à l’encontre de l’esprit européen, même s’il ne s’agit que d’une incitation ou d’une passivité (décision « Buy Irish » 1982, décision française 1997).
Ensuite, on s’interdit les réglementations qui ne servent, aux yeux de la CJCE, qu’à rendre l’accès au marché national plus difficile et coûteux pour les entreprises étrangères. Ainsi, la Cour a décidé en 1982 que la Belgique n’avait pas le droit d’éxiger que toute margarine vendue sur son territoire devait l’être sous forme de cube, alors que le beurre devait avoir une forme rectangulaire. Cela avait beau être une coûtume de la production belge, il ne s’agissait toutefois pas d’une protection essentielle, selon la CJCE.
Il en était de même pour l’Allemagne : sur son territoire, elle refusait l’appelation de « bière » aux « boissons à caractère de bière » (« bierähnliche Getränke »), donc aux boissons qui ne se pliaient pas à la loi de la pureté de la bière. Il s’agit en fait d’une exigence dont la tradition date de 1516 : une « bière » ne doit être faite que d’orge, de houblon et d’eau. Mais la CJCE a décidé en 1987 que les consommateurs étaient suffisamment protégés par l’information sur les ingrédients et qu’il ne fallait pas priver de leur appélation les bières aux ingrédients supplémentaires.
En parlant des produits phares des stéréotypes nationaux, on peut également citer les Pays-Bas : on n’a pas retenu la nécessité de limiter la production de bulbes de jacinthes par une location limitée de l’espace pour les cultiver. En 1974, la CJCE a, au contraire, décidé qu’il s’agissait d’un contingentement illicite.
Un exemple d’un produit national dont la protection a été autorisée nous provient du Royaume-Uni : il s’agit de la Reine ! Ou, plus précisément, de l’image de la Reine. Celle-ci figure sur les pièces de monnaie qui n’ont plus cours légal, en raison de quoi il reste interdit de les détruire ou de les vendre en dehors du royaume. Dans une décision de 1978, la CJCE a autorisé cette restriction du commerce.

En résumé, on constate que les États-membres ont tout fait pour éviter que la libre circulation s’applique dans tous les domaines de leurs économies nationales. Et ceci, alors qu’ils s’étaient tous mis d’accord sur cette politique dont les bienfaits étaient considérés comme évidents et remarquables.
Comment peut-on alors songer à ce que tous les États-membres s’alignent de leur propre gré sur la politique budgétaire recommandée par les traités, contestée par des théoriciens et surtout par la réalité des politiques nationales ?
Un renforcement de la coopération fiscale et budgétaire en Europe semble donc s’imposer. Maintenant, il faudrait un débat sur l’importance que l’on accordera dans cette coopération renforcée aux transferts fiscaux, d’un côté (transferts des pays plus compétitifs et riches vers les pays plus pauvres, quitte à risquer de pénaliser ces premiers), et à l’obligation absolue d’un équilibre budgétaire de l’autre côté (quitte à risquer un dumping social entre les pays membres, afin d’être plus compétitif que le voisin et avoir donc un meilleur résultat de la balance commerciale). Ce débat est nécessaire pour que des institutions de coopération budgétaire puissent être créées avec des consignes concrètes. En l’absence de ces dernières, ce projet risque d’être aussi mal suivi que le projet de la libre circulation des marchandises l’aurait été s’il n’y avait pas eu la CJCE.

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